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Droit social

FORFAIT-JOURS : Les derniers apports de la jurisprudence

Par 16 mai 2019juillet 5th, 2021Pas de commentaires
Photo d'une montre

Sujet au cœur des débats juridiques depuis sa création par les lois dîtes AUBRY, portant diminution de la durée légale de travail à 35 heures, les forfaits jours continuent d’alimenter de nombreux contentieux par-devant les juridictions nationales dans l’attente d’un arrêt européen qui pourrait décider de leur mise à mort.

 

2019 ne sera pas une exception puisqu’en moins de 5 mois, pas moins de 3 arrêts de principe ont été rendus sur ce sujet par la Cour de Cassation, portant tant sur le délai dont dispose le salarié pour solliciter la nullité judiciaire de la convention de forfait jours, que la compatibilité des forfaits jours avec le travail à temps partiel ou encore des obligations de l’employeur en termes de suivi de la charge de travail et de l’amplitude.

 

Forfait jours et travail à temps partiel.

On savait depuis fort longtemps que l’accord collectif autorisant la conclusion de conventions de forfait en jours doit fixer le nombre de jours de travail inclus dans le forfait (Art. L 3121-64, 3 du Code du Travail), ce nombre étant au maximum de 218 jours journée de solidarité comprise.

Très rapidement, la Cour de Cassation est venue préciser que le nombre de jours fixé par l’accord collectif devait être considéré comme un plafond, autorisant de facto les parties à convenir d’un nombre de jours travaillés moindre.  (Cass soc 9-7-2003 n 01-42.451).

Restait alors à définir quelle était la situation du salarié ayant un forfait réduit et notamment si ce salarié devait être considéré comme un salarié à temps partiel avec toutes les conséquences qui en découlent, comme les éventuels jours de travail complémentaires, la priorité pour les emplois à temps plein, les mentions obligatoires dans le contrat de travail.

Par un arrêt de principe en date du 27 mars 2019, la Chambre sociale de la Cour de Cassation est venue répondre par la négative et rappeler que le salarié à temps partiel ne pouvait avoir un temps de travail défini qu’en heures et non en jours de sorte que le forfait jours était incompatible avec un travail à temps partiel.

Un salarié ayant un forfait jours réduit, ne peut donc se prévaloir d’aucune disposition de la législation protectrice des salariés à temps partiel et ne peut pas par exemple, comme dans l’espèce visée par l’arrêt, solliciter la requalification de son contrat à temps complet.

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_sociale_3168/2019_9139/mars_9191/532_27_42007.html

Nullité des forfait-jours pour absence de suivi de la charge de travail du salarié et de son amplitude

Au fil du temps, les règles régissant les forfaits jours se sont fortement éloignées de la grande liberté que l’on avait cru apercevoir au début du dispositif, qui voulait que l’employeur ne soit tenu que de vérifier que son salarié bénéficiait bien des temps de repos hebdomadaires et quotidiens minimums légaux.

Bon nombre de gardes fous, ont été par la suite mis en place tant par la loi que la jurisprudence comme l’entretien annuel de suivi obligatoire, l’obligation d’opérer un suivi des jours travaillés. Ces prescriptions étant formulées sous peine de nullité de la convention conclue.

Toujours sous la menace d’une condamnation du mécanisme par le droit européen, la Cour de Cassation est encore récemment allée plus loin dans la protection des droits salariés soumis au forfait jours, en jugeant que même en présence d’un accord qui satisfait pleinement aux exigences européennes et nationales, une convention de forfait-jours peut être privée d’effet si l’employeur n’est pas en mesure de prouver qu’il contrôle de manière effective la charge de travail et l’amplitude du temps de travail de son salarié. Cass. soc., 19 déc. 2018, pourvoi no 17-18.725.

Il importe donc pour les employeurs ayant recours au forfait jours d’avoir un contrôle continu et sérieux de la charge de travail de ses salariés et de veiller à ce que ces derniers aient une amplitude quotidienne raisonnable sous peine de voir ses salariés, solliciter la nullité de la convention conclue et  le paiement d’heures supplémentaires. Le risque est d’autant plus accru que la haute juridiction vient de rendre un arrêt très favorable aux salariés quant à la prescription de l’action.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037851011&fastReqId=1640952997&fastPos=1

 

Délai de prescription de l’action en nullité du forfait jours.

L’un des contentieux les plus nourris en matière de forfait jours est la nullité de la convention de forfait, en raison de sa non-conformité avec les exigences légales et jurisprudentielles.  L’intérêt majeur pour le salarié de solliciter une telle nullité est de pouvoir par la suite réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

Compte tenu de l’importance des enjeux financiers, il importe de connaitre le délai de prescription de cette action en nullité de la convention de forfait jours.

La logique juridique aurait voulu que la prescription d’une telle action commence à courir à la date de signature de la convention litigieuse.

La Cour de Cassation ne l’entend toutefois pas de cette manière et a posé une règle très protectrice du salarié en jugeant dans un arrêt de principe que des lors que la demande de rappel d’heures supplémentaires n’est pas prescrite, le salarié est recevable à contester la validité de la convention de forfait en jours régularisée.

Elle considère ainsi que les prétentions du salarié, qui déterminent l’objet du litige, concernent l’obtention d’un rappel de salaire. La circonstance que, pour fonder sa demande, le salarié se prévale d’un vice affectant la convention de forfait, fût-il ancien, n’a pas d’incidence sur le point de départ du délai de prescription de l’action.

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_sociale_3168/2019_9139/mars_9191/530_27_42040.html