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Droit social

Les z’amours entre salariés

Par 2 novembre 2021Pas de commentaires
Portrait noir et blanc de Chloe LEMOINE, avocate au barreau de Grenoble

Chloé Lemoine
Avocate

Selon certains sondages, 30% des Français ont rencontré leur conjoint sur leur lieu de travail.

L’employeur peut-il réagir lorsque les amours finissent mal, que les ordinateurs volent, que les cris déchirent l’open space ? Peut-il tout simplement interdire une relation en considérant que ce n’est vraiment pas « professionnel » ?

L’employeur ne peut pas s’immiscer dans la vie amoureuse de ses salariés. Selon l’article L.1132-1 du Code du travail, il ne peut même pas s’en prémunir en stipulant une clause dans le contrat de travail interdisant toute relation amoureuse avec les collègues. Il s’agit d’une application de l’article 9 du Code civil qui prévoit que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

Toutefois, tout droit tient sa limite dans l’abus.

Bien que la relation amoureuse relève du droit à la vie privée, le comportement de deux amoureux peut relever de l’abus. Et c’est par cette petite fenêtre que l’employeur pourra s’immiscer et sanctionner.

Lorsque le comportement de salariés, quelle qu’en soit la raison, a des répercussions néfastes sur le fonctionnement de l’entreprise, la réalisation de ses objectifs ou encore son image, l’employeur peut intervenir et faire cesser le trouble objectif qu’il constate (Cass. Soc. 28-11-2018 no 17-15.379 FS-PB).

La décision est délicate car il est nécessaire de faire la part entre les sphères privée et professionnelle.

C’est ainsi que la Cour de cassation a estimé que l’employeur ne pouvait pas licencier un salarié qui, après plusieurs mois de relation avec sa collègue, avait, par jalousie, installé un traceur GPS sur le véhicule personnel de son ancienne compagne et laissé des messages sur sa messagerie professionnelle lui faisant part de ses soupçons d’avoir une relation avec un autre collègue.

L’employeur a voulu prendre la défense de sa salariée et mal lui en a pris. En effet, les deux messages ne constituaient pas juridiquement un « harcèlement » qu’il aurait pu sanctionner, le traceur GPS avait été posé sur le véhicule personnel (et non professionnel) de la salariée et aucun trouble n’avait été constaté dans le fonctionnement ou le travail au sein de l’entreprise. Le comportement, même répréhensible, du salarié, relevait donc de la sphère privée. Son licenciement a été jugé abusif (Cass. Soc. 16-12-2020 n° 19-14.665 F-D).

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