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Droit social

Quelle force contraignante pour les protocoles sanitaires des entreprises ?

Par 30 juin 2021Pas de commentaires
Portrait noir et blanc de Chloe LEMOINE, avocate au barreau de Grenoble

Chloé Lemoine
Avocate

Depuis le début de la crise Covid19, le gouvernement a multiplié un document à l’attention des entreprises intitulé « Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid19 ».

Le premier Protocole a été publié par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion le 31 août 2020 et, depuis, environ tous les deux mois, il est actualisé, devient plus dense, plus précis, en un mot plus règlementaire.

Le dernier, en date du 16 février 2021, prévoit le moindre des détails : le télétravail et ses conditions, les règles de distanciation dans les restaurants d’entreprise, la façon de réagir face à un cas contact et ainsi de suite.

Mais quelle est la force contraignante de ces protocoles ? Les salariés sont-ils en droit d’exiger leur application stricte ? La responsabilité de l’entreprise peut-elle être engagée en cas de non-respect et de transmission avérée du virus dans l’entreprise ?

Interrogé sur sa valeur contraignante, le Conseil d’Etat considère qu’il s’agit d’un ensemble de « recommandations » permettant à l’employeur de prendre des mesures dans le cadre de son obligation de sécurité, (CE 17/12/2020, n° 446797).

Ce protocole n’aurait donc a priori pas de force contraignante.

Pourtant, telle n’est pas la position que le Cabinet recommande d’adopter. En effet, l’obligation de sécurité est depuis longtemps pour les entreprises « de résultat » et non pas simplement « de moyens ».

Véritable épouvantail pour les employeurs, l’obligation de sécurité a été dégagée du contrat de travail par les juges en droit de la sécurité sociale avec les arrêts « amiante » en 2002 (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 99-18.389), avant de se développer en droit du travail jusqu’à justifier des prises d’actes de la part de salariés estimant que leurs employeurs manquaient à leur obligation, par exemple, en ne vérifiant pas leur charge de travail.

Certains estiment que cette obligation de sécurité de résultat serait moins usitée par la Cour de cassation qui lui préfèrerait l’« obligation de prévention des risques professionnels » incluant la politique de prévention des risques psychosociaux. Cette dernière, moins lourde, serait plutôt de moyens renforcée (Luc de Montlavon, Le crépuscule de l’obligation de sécurité de résultat, jurisp. Soc. Lamy, n° 449, 16/03/2018).

Las, il n’en reste pas moins que les juges, qu’ils soient Conseillers prud’homaux ou Conseillers à la Cour d’appel, continuent d’utiliser cette notion et l’employeur doit démontrer qu’il a pris les mesures nécessaires pour prévenir le risque invoqué par le salarié.

Ce risque dans la période actuelle de pandémie est formalisé par les Protocoles nationaux publiés par le Ministère du travail et il est probable que leur non-application devrait conduire à engager la responsabilité des employeurs.

Les Protocoles nationaux du Ministère du travail n’ont pas de force contraignante, l’obligation de sécurité des employeurs, si. Le premier étant le moyen de l’autre, il devient en quelque sorte également contraignant.