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Réforme de l’acquisition de congés payés en arrêt maladie : plus de peur que de mal pour les entreprises ?

Portrait de Thomas MOUSSEAU

Thomas MOUSSEAU-SWIERCZ – Avocat

Par une loi n°2024-364 du 22 avril 2024, le législateur est venu mettre un terme aux débats initiés par la Cour de Cassation le 13 septembre 2023. Pour être conforme au droit de l’Union Européenne, notre droit national doit permettre aux salariés en arrêt maladie, même d’origine non-professionnelle, d’acquérir des congés payés. Si les ajouts de cette loi doivent appeler à la vigilance des employeurs, leur inquiétude est à tempérer, tant s’agissant des règles encadrant l’acquisition des congés payés en cas de suspension du contrat de travail, que de celles prévoyant une application rétroactive de ces dispositions.

  1. Le nouveau dispositif de calcul des congés payés acquis lors de l’arrêt maladie

A titre liminaire, rappelons que l’article L3141-5 du Code du travail, dans sa version antérieure au 24 avril 2024, cantonnait l’acquisition de congés payés aux contrats de travail suspendus pour accident du travail ou maladie professionnelle.

La loi du 22 avril vient codifier le revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation, et l’article L3141-5 nouveau étend l’acquisition de congés payés aux salariés en arrêts pour accidents ou maladies n’ayant pas un caractère professionnel. Ces derniers acquièrent 2 jours ouvrables de congés payés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence (article L3141-5-1 du Code du travail).

Les règles concernant les salariés dont le contrat de travail est suspendu par un arrêt d’origine professionnelle restent inchangées puisqu’ils continuent quant à eux à acquérir 2,5 jours ouvrables de congés payés sans que cela ne puisse excéder 30 jours ouvrables par période de référence (article L3141-3 du Code du travail).

La nouvelle acquisition de congés payés lorsque l’arrêt est d’origine non-professionnelle est donc encadrée de manière plus restrictive.

2. La nouvelle période de report des congés payés acquis par le salarié en arrêt de travail

    Autre évolution notable, la mise en place par un nouvel article L3141-19-1 du Code du travail d’une période de report de 15 mois pour les congés payés qui aurait été acquis mais non utilisés pour cause de maladie ou d’accident du salarié. Le Code du travail circonscrit par ailleurs le point de départ de cette période de report en fonction de la durée de l’arrêt de travail du salarié :

    • En cas de suspension du contrat de travail d’au moins un an, la période de report commencera à courir à compter de la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle les congés ont été acquis (Article L3141-19-2 du Code du travail) ;
    • Si en revanche la suspension du contrat de travail est inférieure à un an, par dérogation, la période de report commencera à courir à la date à laquelle le salarié reçoit de l’employeur les informations qu’il est à présent obligé de lui communiquer concernant ses droits à congés payés (Article L3141-19-1 du Code du travail).

    En effet, à l’issue d’une période d’arrêt de travail pour maladie ou accident, l’employeur est désormais tenu d’informer les salariés sur le nombre de jours de congés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris, dans un délai d’un mois suivant leur retour dans l’entreprise après un arrêt maladie (Article L3141-9-3 du Code du travail).

    3. Les limites à l’effet rétroactif conféré aux nouvelles dispositions en matière de congés payés

    Les nouvelles dispositions sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 et jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2024. Cette rétroactivité est exclusivement limitée aux congés payés pour maladie non-professionnelle, puisque rien n’est prévu par l’article 37 de la loi du 22 avril concernant les arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle.

    Toutefois, tout salarié encore en activité qui solliciterait un rappel de congés payés du fait de l’application de ces dispositions nouvelles est tenu d’introduire son action dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, donc avant le 24 avril 2026. Ceci sous peine de forclusion, c’est-à-dire de la perte du droit d’agir.

    Quant aux anciens salariés d’une entreprise dont les contrats de travail auraient déjà été rompus, ils bénéficient d’un délai de 3 ans à partir de la rupture de leur contrat de travail pour engager des démarches judiciaires conformément à l’article L3245-1 du Code du travail.

    Seconde limite, l’article 37 de la loi du 22 avril 2024 limite quantitativement l’acquisition rétroactive de congés payés pour un arrêt d’origine non professionnel à 24 jours ouvrables de congé, après prise en compte des jours que le salarié avait déjà acquis sous l’empire du droit ancien.

    En définitive si ce régime plus complexe d’acquisition des congés payés va nécessairement contraindre les entreprises à revoir avec vigilance leur organisation en la matière pour l’avenir, il apparait que ses effets sur le passé, bien qu’encore à apprécier, seront bien plus nuancés.