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Droit civil

La codification des troubles anormaux de voisinage : Adieu voisins bruyants, bonjour la sérénité ?

Portrait de Sophie BOUTONNAT

Sophie BOUTONNAT – Avocate

Dans le tumulte des relations de voisinage, la loi n°2024-346, adoptée le 15 avril 2024, vise à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels. Elle représente un jalon important en codifiant une jurisprudence déjà bien établie sur les troubles anormaux de voisinage.

L’article 1253 du Code civil précise désormais que « Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».

Un tel régime de responsabilité a, de longue date, été dégagé par la jurisprudence. En effet, cette responsabilité était une déclinaison de la responsabilité du fait personnel. Depuis 1986 elle repose sur un fondement autonome, la Cour de cassation a énoncé que « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » (Civ. 2e, 19 nov. 1986, n° 84-16.379).

Le nouvel article 1253 instaure une responsabilité de plein droit, c’est-à-dire un régime objectif où l’absence de faute n’exonère pas de la responsabilité (Civ. 3e, 4 févr. 1971, n° 69-12.528) et où l’existence d’une faute ne cause pas nécessairement un trouble anormal de voisinage. Toutefois, il est essentiel que les juges du fond caractérisent l’anormalité de la nuisance (Civ. 2e, 24 mars 2016, n° 15-13.306).

Le texte n’apporte guère de changements au régime actuel et entérine la jurisprudence préexistante, sauf peut-être en ce qui concerne les personnes susceptibles d’être tenues responsables.

Le second alinéa de l’article 1253 n’est guère plus novateur. Il est depuis longtemps admis qu’aucune réparation n’est due si l’activité à l’origine des nuisances était préexistante à l’installation de la victime. L’article 1253 étend cette exclusion à toutes les activités, quelles qu’elles soient, si elles existaient avant l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien et n’ont pas contribué à une aggravation des nuisances.

En conclusion, la réforme du 15 avril 2024, malgré son intitulé prometteur, n’apporte que des changements mineurs au droit existant et vise principalement à répondre à des intérêts particuliers plutôt qu’à instaurer une véritable innovation législative.