Elsa BENHAMOU – Avocate
Lorsqu’une entreprise est placée en procédure collective, les créanciers se trouvent souvent dans une situation précaire quant au recouvrement de leurs créances.
En effet, l’article L.622-7 du Code de commerce prévoit que l’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire emporte l’interdiction de payer toutes créances antérieures au jugement d’ouverture.
Tout créancier doit alors déclarer sa créance au mandataire ou liquidateur judiciaire dans les deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC.
La clause de réserve de propriété, définie par l’article 2367 du Code civil, est « la clause qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en résulte en contrepartie. »
Cette clause peut être intégrée par le vendeur de biens ou marchandises dans ses documents contractuels pour permettre de suspendre le transfert de propriété d’un bien vendu jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur.
Ainsi, en cas d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son acheteur, le créancier pourra exercer une action en revendication afin de revendiquer la propriété du bien qui n’a pas été intégralement payé par le débiteur placé en procédure collective.
L’action en revendication concernant un bien vendu avec une clause de réserve de propriété est prévue par l’article L.624-16 du Code de commerce.
- Les conditions de fond de l’action en revendication :
- L’existence du bien revendiqué en nature entre les mains du débiteur au moment de l’ouverture de la procédure collective :
La Cour de cassation estime que le bien revendiqué doit exister en nature dans le patrimoine de la personne morale débitrice, qu’elle le détienne dans ses locaux ou qu’il soit détenu par son représentant légal dans d’autres lieux (Cass. Com., 10 mai 2012, n°11-17.626).
Le bien peut également être revendiqué s’il se retrouve en nature dans le patrimoine d’un tiers, qui le détient pour le débiteur (Cass. Com., 8 mars 2017, n°15-18.614).
La revendication sera en revanche impossible si le bien a été transformé ou incorporé dans un autre bien (Cass. Com., 20 octobre 2009, n°08-20.381).
Si la séparation de biens mobiliers incorporés dans un autre bien peut s’effectuer sas dommage, la revendication est alors possible (Cass. Com., 20 octobre 2009, n°08-20.381).
Enfin, la revendication ne peut pas s’exercer si le bien a été revendu, détruit ou s’il a disparu et le créancier ne pourra alors que déclarer sa créance à la procédure.
- La clause de réserve de propriété doit être opposable à la procédure collective :
La clause doit être écrite et acceptée avant la livraison. Elle peut figurer dans les conditions générales de vente, dans un devis ou dans des factures d’acomptes émises avant la livraison (Cass. Com., 10 mars 2015, n°13-23424) et doit être suffisamment apparente.
2. Les conditions de forme de l’action en revendication :
Le propriétaire du bien et créancier dispose d’un délai de 3 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour agir en revendication.
Une première demande en revendication doit être adressée par lettre recommandée au mandataire ou liquidateur judiciaire ainsi qu’au débiteur (dans le cas d’un redressement) et à l’administrateur s’il en existe un.
En cas de refus explicite ou d’absence de réponse dans le délai d’un mois à compter de cette demande, un nouveau délai d’un mois s’ouvre pour déposer une requête en revendication devant le Juge-Commissaire désigné
En cas de non-respect des règles de forme et délais, la sanction est l’inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective. Les biens du créancier sont alors intégrés à l’actif de la procédure et seront vendus au profit de l’ensemble des créanciers, sans droit de préférence pour le bénéficiaire de la clause de réserve de propriété : lors de la répartition de l’actif, il deviendra donc un simple créancier chirographaire à condition d’avoir déclaré sa créance.
Il apparait donc indispensable pour tout fournisseur de biens ou marchandises de prévoir dans ses documents contractuels et commerciaux une clause de réserve de propriété, qui constituera un bouclier efficace en cas d’ouverture d’une procédure collective d’un débiteur.
Il conviendra alors d’être vigilant concernant :
- L’opposabilité de la clause de réserve de propriété
- La preuve de l’existence des biens dans le patrimoine du débiteur au jour de la procédure collective
- Les délais et modalités de l’action en revendication
En conclusion, la clause de réserve de propriété constitue un outil de protection efficace qu’il peut être intéressant d’intégrer dans ses documents contractuels et commerciaux. En garantissant la restitution des biens impayés, elle assure une protection efficace des intérêts des créanciers et renforce ainsi la confiance dans les transactions commerciales.